Un chrétien américain pratiquant sur cinq déclare ne pas avoir une vision biblique du monde, selon un sondage
Un sondage publié le 23 août dernier renseigne sur les pratiques des chrétiens américains qui fréquentent une église. Les résultats sont plus ou moins surprenants en fonction des sujets, et l’on apprend que près d’un évangéliques sur six dit avoir participé à un avortement. La grande majorité dit cependant souhaiter recevoir à l’église des enseignements sur les sujets de société.
Alors que la société américaine connaît des mutations et des conflits moraux, le Family Research Council's Center for Biblical Worldview a cherché à savoir quelle était la vision globale des chrétiens pratiquants sur la foi et différents sujets tels que l’avortement, et ce qu’ils attendaient de leurs communautés religieuses. Les résultats du sondage publié ont été publiés sous le titre "Survey on Adult Churchgoers on Social Issues and Worldview" (Enquête sur les Pratiquants Adultes sur les Questions Sociales et la Vision du Monde). L’étude a été menée en juin sous la direction du sondeur évangélique George Barna auprès de 1 009 adultes américains qui fréquentent un service religieux au moins une fois par mois à l’église ou en ligne, un échantillon qui donne une idée des vues de 44 % des Américains.
Quelles sont les visions du monde chez les chrétiens américains ?
Les sondeurs ont cherché à savoir comment les personnes peuvent développer une vision biblique du monde. L’étude conclut que plus les fondements bibliques sont assimilés, plus la vision est définie. George Barna et son équipe du Centre de recherche culturelle de l’Université chrétienne de l’Arizona ont identifié sept croyances sans lesquelles il est très peu probable qu'une personne développe une vie de pensée et d'action constamment biblique. Ces sept pierres angulaires sont les suivantes :
- "Une compréhension orthodoxe et biblique de Dieu."
- "Tous les êtres humains sont pécheurs par nature ; chaque choix que nous faisons a des considérations morales et des conséquences."
- "Les conséquences de notre péché ne peuvent être pardonnées et effacées que par Jésus-Christ. Ce pardon n'est possible que si nous reconnaissons et confessons personnellement et sincèrement nos péchés et si nous nous en remettons entièrement à sa grâce pour le pardon de ces péchés."
- "Toute la Bible est vraie, fiable et pertinente, ce qui en fait le meilleur guide moral pour toute personne, dans toutes les situations."
- "La vérité morale absolue existe - et ces vérités sont définies par Dieu, décrites dans la Bible, et sont immuables à travers le temps et les cultures."
- "Le but ultime de la vie humaine est de connaître, d'aimer et de servir Dieu de tout son cœur, de tout son esprit, de toute sa force et de toute son âme."
- "La meilleure façon de réussir sur terre est d'obéir constamment à Dieu, en pensées, en paroles et en actions."
Les conclusions de l’enquête laissent apparaître que de nombreux pratiquants ne cochent pas les sept cases :
- Les chrétiens ne s’accordent premièrement pas sur la façon de voir Dieu, ils ne sont que 68 % à déclarer qu’il est le créateur omnipotent, omniscient, juste et parfait. 12 % des pratiquants pensent que Dieu désigne la réalisation totale du potentiel personnel et humain ou un état de conscience supérieur qu’une personne peut atteindre ; 9 % croient qu’une puissance supérieure peut exister, mais que personne ne le sait avec certitude ; 4 % pensent que tout le monde est dieu, et 4 % qu’il existe de nombreux dieux, chacun ayant des objectifs et une autorité différente. Les autres ne se prononcent pas.
- Il n’y a que 41 % de pratiquants qui pensent que “les gens sont nés dans le péché et ne peuvent être sauvés de ses conséquences que par Jésus-Christ”. La majorité des sondés ont choisi d’autres visions comme l’idée que l’être humain n’est ni bon ni mauvais à la naissance, mais devient bon ou mauvais par le cumul de ses choix de vie (28 %) ; 11 % pensent que c’est la société qui corrompt la nature humaine. Parmi ceux qui se prononcent, il reste également 11 % qui pensent que “chacun est une créature divine engagée dans la poursuite éternelle de l'unité et d'une conscience perfectionnée”, partageant là une croyance mystique orientale.
- Concernant la troisième pierre angulaire dégagée par Barna, à savoir le salut acquis uniquement par la foi dans le Christ, il n’y a que 47 % des pratiquants qui croient qu’ils vivront éternellement avec Dieu parce qu’ils ont confessé leurs péchés et accepté Jésus-Christ comme leur sauveur personnel. 13 % croient que Dieu sauvera tous les hommes par amour, 11 % croient qu’ils iront au Ciel parce qu’ils auront fait suffisamment d’efforts pour être bons et mériter la récompense, 10 % qu’ils iront dans un lieu de purification avant d’entrer au Paradis, 6 % qu’ils seront réincarnés et 5 % qu’ils cesseront d’exister. 7 % n’ont pas d’opinion.
- En ce qui a trait à l’autorité de la Bible, 33 % en ont une lecture littéraliste, le même pourcentage croit que la Bible ne contient pas d’erreurs mais que des versets ont une valeur symbolique. Ils sont 13 % à penser que la Bible n’est qu’un livre sacré parmi d’autres, ni plus ni moins fiable ; 12 % croient que c’est la parole inspirée de Dieu, mais qu’elle contient des erreurs factuelles ou historiques, tandis que 5 % pensent que c’est un texte influent mais qui n’est pas divinement inspiré. Les autres sont sans avis.
- La cinquième pierre angulaire retenue par Barna concerne l’existence d’une vérité morale absolue. 48 % approuvent l’affirmation relativiste selon laquelle “il n'y a pas d'absolu moral qui s'applique à tout le monde, tout le temps ; la vérité morale dépend de chaque individu”. En revanche, seuls 43 % des pratiquants chrétiens ne sont pas d'accord avec cette notion, tandis que 9 % ne se prononcent pas.
- Appelés à se prononcer sur le sens de la vie humaine, 53 % disent qu’il s’agit de "connaître, aimer et servir Dieu de tout son cœur, de tout son esprit, de toute sa force et de toute son âme", indépendamment de la culture de chacun. 13 % croient que le but est de créer une société plus humaine par le dialogue, la raison et la bonne volonté ; 9 % de connaître le bonheur et l’épanouissement ; 8 % d’ordonner et donner une direction à sa vie en fonction de ce qui compte pour soi. Ils sont 7 % à croire que le sens de la vie est de s’épanouir grâce aux relations et à la productivité, 5 % à penser que le but est de faire progresser la paix et la compréhension dans le monde. Pour 2 %, il n’y a pas de but général à la vie, et 4 % ne se prononcent pas. L’étude souligne que 63 % des adultes convertis déclarent être encore à la recherche de leur but dans la vie.
- Enfin, concernant la meilleure façon de réussir sur Terre, seuls 39 % s’accordent avec la septième pierre angulaire définie par Barna, à savoir "l’obéissance constante à Dieu". Les autres croient qu’il faut être une bonne personne (15 %), vivre une vie saine et productive sans oppression économique (10 %) ou encore ont une approche mystique orientale consistant à vouloir "atteindre le plus haut niveau de conscience possible et connaître l’unité avec l’univers". (7 %).
Cet aspect disparate des croyances parmi les pratiquants s’accompagne d’une diversité de points de vue moraux sur des sujets de société.
La vision de l’avortement chez les chrétiens pratiquants
Parmi ces pratiquants, 20 % affirment ne pas avoir de vision biblique du monde ; cependant, 88 % d’entre eux pensent qu’il est important pour les chrétiens d’avoir une vision biblique du monde, tandis que 6 % pensent que non.
Une majorité pensent que la Bible est claire et déterminante sur la définition du mariage légitime (75 % - 14 % qu’elle n’est pas claire, 7 % qu’elle n’en parle pas) ; 66 % pensent qu’elle est claire et déterminant sur le divorce, tandis que 18 % pensent qu’elle ne l’est pas, 9 % qu’elle n’en parle pas et que 7 % n’ont pas d’avis.
Concernant le principal sujet de société qui mobilise les évangéliques, 65 % pensent que la Bible est claire quant à l’avortement, tandis que 15 % pensent que non, 13 % qu’elle n’en parle pas et 8 % sont sans avis.
Dans le détail et la pratique, 16 % des adultes évangéliques admettent avoir déjà payé, encouragé ou choisi de recourir à un avortement. 36 % se déclarent "pro-vie, avec quelques exceptions et limitations", 27 % "pro-vie, sans exception ni limitation" ; 5 % se disent "plutôt pro-vie, mais pourraient être convaincues par le contraire". On compte 14 % qui se déclarent "pro-choix, avec quelques exceptions ou limitations" et 8 % de "pro-choix, sans exception ni limitation", tandis que 5 % se disent "plutôt pro-choix, mais pourraient être convaincus par le contraire".
Parmi les cas d’avortements, 35 % des sondés pensent qu’il n’est aucunement acceptable, 19 % pensent que la Bible l’approuve quand la vie de la mère est en danger, 10 % que c’est une décision qui ne concerne que le couple, ou encore 7 % que l’avortement est acceptable si l’enfant doit être avec des difficultés physiques ou mentales importantes.
Ce sont surtout les croyances morales et religieuses qui ont le plus d’influence sur l’opinion des chrétiens adultes quant à l’avortement (71 %), alors que seule une minorité est influencée par les considérations politiques (11 %) ou les préférences et opinions du grand public (11 % également). Ils sont 8 % à ne pas savoir ce qui influence leurs positions sur l’avortement.
David Closson, le directeur du Family Research Council's Center for Biblical Worldview a commenté les chiffres dans le Washington Stand en opérant une comparaison avec la plus grande dénomination évangélique américaine afin de permettre une visualisation du phénomène :
"Pour mettre ces pourcentages en perspective, considérons la Convention baptiste du Sud (SBC), la plus grande confession protestante du pays. En 2023, le nombre total de membres dans 47198 églises de la SBC était de 13,2 millions. Si nous appliquons le chiffre de 16% des enquêtes FRC et Lifeway, environ 2,1 millions de baptistes du Sud ont, à un moment donné, participé activement à un avortement. En d’autres termes, nous pouvons conclure que des millions de chrétiens conservateurs sur le plan théologique ont une histoire personnelle avec l’avortement, même s’ils n’en parlent pas."
Concernant l’accompagnement des femmes qui connaissent une grossesse imprévue, 58 % souhaitent que leur église les aide davantage, 6 % qu’elle les aide moins, tandis que 29 % qu’elle ne change rien à sa réponse.
En dépit des réponses parfois tranchées, les sujets de société suscitent des demandes d’information de la part des sondés qui sont 71 % à “souhaiter que leur église offre une formation supplémentaire” concernant “l’avortement et la valeur de la vie” et la sexualité humaine (68 %). Ils sont cependant davantage à souhaiter une formation par leur église sur la responsabilité sociale et politique (79 %).
Jean Sarpédon